CROSSING ISTANBUL
ven. 13 déc.
|LE COLISÉE CARCASSONNE
Drame turc, Danemark - 1h46 (4/12/2024) De Levan Akin Avec Mzia Arabuli, Lucas Kankava, Deniz Dumanli
Heure et lieu
13 déc. 2024, 14:00 – 23 déc. 2024, 14:00
LE COLISÉE CARCASSONNE
À propos de l'événement
HORAIRES
7 séances sur deux semaines avec des horaires pouvant varier de quelques minutes :
Les jours et horaires précis sont déterminés chaque semaine par le Colisée
Ven 13/12 : 16h - Dim 15/12 : 18h - Mar 17/12 : 20h45.
Mer 18/12 : 18h - Jeu 19/12 : 16h - Sam 21/12 : 18h - Lun 23/12 : 14h.
Dimanche 15/12 à 18h : Ciné-débat avec Fiertés Carcassonne
SYNOPSIS
Lia, professeure à la retraite, s’est promis de retrouver Tekla, sa nièce disparue depuis trop longtemps. Cette quête la mène à Istanbul, ville de tous les possibles. Elle y rencontre Evrim, une avocate qui milite pour les droits des personnes trans, et Tekla lui semble alors de plus en plus proche.
CRITIQUES
Festival de La Roche sur Yon
Crossing signifie traversée et des traversées, Lia va justement devoir en faire pour retrouver la trace de sa nièce disparue à Istanbul. D’abord en prenant le bac pour franchir la Mer Noire et la frontière séparant sa Géorgie natale de la Turquie, puis en zigzagant à travers le Bosphore, écumant les quartiers les moins touristiques de la capitale. Ces traversées-là, Lia la vieille râleuse scandalisée pour un rien n’est pas seule à les effectuer. D’abord parce que l’on devine que sa nièce a suivi le même parcours quelques années auparavant (cherchant davantage à fuir quelque chose qu’à partir en vacances), mais aussi car Lia se retrouve par un concours de circonstances accompagnée d’un copilote de fortune imprévu : un ado prêt à tout pour aller s’épanouir loin des latitudes géorgiennes. Chacun son exil, mais cela n’empêche pas les chemins de chacun de se croiser et faire route commune.
Si le cinéaste suédois d’origine géorgienne Levan Akin avait déjà été sélectionné à la Berlinale en 2015 dans un registre très différent avec The Circle (l’adaptation relativement anecdotique d’un roman d’aventures surnaturel pour jeunes adultes) il s’était davantage fait repérer à Cannes grâce à son film suivant, Et puis nous danserons. Cette histoire de coming out adolescent dans le milieu de la danse traditionnelle possédait à la fois une trame fort classique et un regard chaleureux, et c’est un équilibre similaire qui est aujourd’hui à l’œuvre dans Crossing Istanbul, même si la vie est loin d’être simple pour les différents personnages que l’on croise au fil de ces traversées. Crowdpleaser avec un cœur gros comme ça, Crossing Istanbul évoque dans ses meilleurs moments l’équilibre sentimental des portraits collectifs de Nadine Labaki, mais n’évite pas une certaine naïveté a force de voir les choses en rose.
On l’apprend assez vite, la nièce de Lia est trans. C’est donc au sein de cette communauté que cette héroïne revêche accompagnée de son grand dadais (l’efficacité comique de ce duo mal assorti fait plaisir à voir) vont mener leur enquête. Akin fait de son mieux pour rééquilibrer le fait que pendant toute une partie du film, tous les personnages trans sont des prostituées, intégrant de façon un peu artificielle un personnage d’avocate pourtant amusante. La maladresse principale du scénario réside surtout dans son dénouement. Le film s’ouvre sur Lia, mais à mesure que celle-ci quitte son village et découvre des vies différentes de la sienne, elle commence à regretter d’avoir poussé sa nièce à l’exil.
La question du droit des victimes de transphobie et d’homophobie à rester en paix loin de leurs familles toxiques commence à peine à effleurer son esprit et la surface de ce récit choral que celui ci se resserre finalement sur Lia demandant à être pardonnée pour son intolérance passée. Lia a beau être un sympathique personnage, interprété avec panache par Mzia Arabuli, on se demande si on n’aurait pas préféré connaître plutôt le point de vue des protagonistes queer qui ne sont ici que des personnages secondaires dans sa quête de rédemption. Crossing Istanbul n’est peut-être pas à la pointe des représentations trans les plus contemporaines, mais ce film tout public possède une énergie, un allant et un humour auxquels il est difficile de rester insensible.
Fema La Rochelle
Prix du Jury Teddy Awards Berlin 2024
« Dans ce nouveau film, [Akin] fait se rencontrer agréablement les cultures géorgiennes et turques. En effet, Crossing traverse la frontière entre les deux pays et perd ses protagonistes dans le labyrinthe istanbuliote. Gargantuesque et écrasante, la métropole brille à l’écran. […] L’histoire, simple, n’en est pas moins passionnante. De sa plume de maître, il pare ses protagonistes d’une extraordinaire humanité. […] Et au fil de leurs recherches et de leurs échanges, des liens palpables et véritables se tissent. »
Le devoir :
« Istanbul est un lieu où l’on va pour disparaître. » Cette phrase que prononce Lia, professeure d’histoire à la retraite qui se rend dans la métropole turque à la recherche de sa nièce disparue, Levan Akin l’a souvent entendue.
Lors de ses nombreux voyages en Géorgie, pays d’origine de sa famille, le cinéaste suédois derrière And Then We Danced (2019) a rencontré des femmes trans qui lui ont confié qu’elles allaient à Istanbul pour fuir l’ostracisme et « disparaître dans la ville », a-t-il raconté au New York Times. Et c’est un peu leur histoire que le réalisateur met en scène ici, dans ce récit lumineux de complicité intergénérationnelle qui dépeint la transidentité avec une tendresse inouïe.
C’est que Lia apprend par Achi, un jeune voisin vagabond, que Tekla, sa nièce trans qui aurait habité dans une maison close du quartier, se serait exilée à Istanbul. Souhaitant honorer la promesse qu’elle avait faite à sa soeur décédée de retrouver sa fille qu’elle avait reniée, Lia traverse la frontière turque depuis sa petite ville géorgienne avec l’ingénu et malhabile Achi, qui prétend pouvoir trouver l’adresse de Tekla une fois sur place.
Le voyage fait naître une amitié surprenante entre les deux personnages que tout oppose et auxquels les performances magistrales des acteurs Mzia Arabuli et Lucas Kankava confèrent une authenticité désarmante. Tout comme celle de Deniz Dumanlı, dans le rôle d’Evrim, une bénévole trans travaillant pour un centre communautaire LGBTQ+ qui vient en aide aux protagonistes, à la dérive dans tous les sens du terme.
Ville refuge
Ainsi, le regard humaniste de Levan Akin donne à voir une mosaïque de personnages qui, malgré les blessures que leur infligent leurs sociétés machistes, composent une rarissime représentation positive de la transidentité. De fait, à tout moment, le cinéaste trompe nos attentes avec des élans de tendresse alors que l'on aurait pu croire que les personnes queers seraient persécutées. La relation entre Evrim et un chauffeur de taxi qu’elle rencontre par hasard est à cet égard l’un des plus charmants exemples de la normalisation des récits trans qui s’opèrent tout au long du film.
L’élégance de l’écriture d’Akin n’a d’égal que la beauté de ses images d’Istanbul, où la métropole turque baigne dans une douce lumière orangée et devient presque un personnage à part entière. On découvre la ville refuge à travers les yeux de Lia, perdue dans le chaos urbain, sans jamais qu’elle ne soit représentée comme une carte postale. Et c’est cette mise en scène de la ville, avec ses différentes strates, qui donne un sens à la complicité unissant Lia et Achi dans leur aliénation respective.
Dans son entrevue au New York Times, Levan Akin a affirmé que le tournage du film avait été pour lui une « forme de thérapie », à l’heure où une loi « sur les valeurs familiales et la protection des mineurs » s’apprête à passer au vote au parlement géorgien. Celle-ci inclut une interdiction des opérations d’affirmation de genre, du partage d’informations qui viseraient « à populariser l’identification à un genre différent du sexe biologique » ainsi que de la représentation des relations entre personnes de même sexe.
Bien que Crossing ne soit pas présenté en Géorgie, du moins pour l’instant, parce que le réalisateur craint de vives réactions à cause du climat tendu dans son pays d’origine, on lui souhaite que le film traverse le plus de frontières possible, son humanité débordante surgissant comme une lueur d’espoir dans une tradition de cinéma queer trop souvent marqué par la souffrance.
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