EVERYBODY LOVES TOUDA
jeu. 02 janv.
|LE COLISÉE CARCASSONNE
Drame - Maroc - 1h42 (18/12/24) de Nabil Ayouch Avec Nisrin Erradi, Joud Chamihy, Jalila Tlemsi
Heure et lieu
02 janv. 2025, 16:00 – 14 janv. 2025, 20:00
LE COLISÉE CARCASSONNE
À propos de l'événement
HORAIRES
5 séances avec des horaires pouvant varier de quelques minutes :
Les horaires précis sont déterminés chaque semaine par le Colisée.
Jeu 2/01 : 16h15 - Ven 3/01 : 18h15 - Dim 5/01 : 18h30 avec présentation du film par un membre de l'association.
Lun 13/01 : 14H - Mar 14/01 : 20h30.
SYNOPSIS
Touda rêve de devenir une Cheikha, une artiste traditionnelle marocaine, qui chante sans pudeur ni censure des textes de résistance, d’amour et d'émancipation, transmis depuis des générations. Se produisant tous les soirs dans les bars de sa petite ville de province sous le regard des hommes, Touda nourrit l’espoir d'un avenir meilleur pour elle et son fils. Maltraitée et humiliée, elle décide de tout quitter pour les lumières de Casablanca…
CRITIQUES
Télérama :
Le chant d’une Marocaine s’élève dans sa pureté, comme une lumière, mais sous les regards des hommes, elle n’est plus qu’un corps dont il faut s’emparer, au cœur de la nuit. Dès sa belle et éprouvante ouverture, le nouveau film du réalisateur de Much Loved (2015) et Razzia (2017) nous raconte l’histoire d’une femme piégée. Son héroïne, Touda, a en elle la pureté de l’aïta, un chant traditionnel porté par des artistes insoumises, les cheikhates. Mais dans les bars et les fêtes où elle chante pour gagner sa vie, Touda voit son rêve de provinciale s’éloigner : son talent de cheikha, les gens s’en moquent et ricanent (« Elle se prend pour Oum Kalthoum »). Elle ne s’en sortira qu’en acceptant d’être une fille facile. Ou en partant à Casablanca…
Tout le monde aime Touda mais personne ne la respecte. Porté par la passion de la musique, qui en fait un superbe spectacle, ce film vibrant est aussi celui de la solitude. À son cinéma toujours plein d’énergie, Nabil Ayouch apporte une note intimiste pour un portrait en prise, jusqu’au bout, avec la sensibilité intérieure d’une femme qui ne dit rien sur ce qu’elle vit, subit. Mère isolée avec un jeune fils sourd auquel elle voudrait pouvoir offrir une véritable éducation, la chanteuse trace son chemin toute seule.Aux difficultés matérielles, elle ajoute une intransigeance qui fait d’elle presque une paria, une fierté qui lui fait mépriser tous ceux qui ne respectent pas son art. À la fois fragile et sans concession, Touda est incarnée avec une flamme extraordinaire par Nisrin Erradi (révélée dans Adam, 2019, de Maryam Touzani). À travers elle, le film raconte aussi le Maroc d’aujourd’hui, regarde avec émotion ses paysages comme son peuple, éclaire les relations entre hommes et femmes en osant montrer la sensualité mais aussi l’abus. Pour célébrer le combat de la cheikha, allégorie de la liberté.
L’Obs
Touda ambitionne de devenir une cheikhat, une chanteuse qui par ses textes, sa gestuelle et sa voix revendique le besoin de liberté et d’affranchissement des femmes. Mais dans un Maroc patriarcal, ces artistes attisent surtout la concupiscence du public masculin. Battue, humiliée, Touda se relève à chaque fois malgré l’épuisement d’une vie passée à lutter pour elle et pour son fils sourd-muet qu’elle veut scolariser. On l’aura compris, le scénario, prévisible donc pesant, joue à fond la carte du mélo. Mais la pugnacité conjointe de la mise en scène et de l’interprétation de Nisrin Erradi font effet de contrepoints salvateurs.
Libération :
«Tout le monde aime Touda.» C’est le chauffeur de salle d’un cabaret huppé de Casablanca qui le dit pour introduire son concert, il a raison – même s’il n’a aucune idée de qui elle est ni du genre de musique qu’elle joue. Tout le monde aime Touda, tout le monde aime la regarder danser et l’écouter chanter les scies chaâbi à la mode, les hommes comme les femmes qui la couvrent de dirhams en tournoyant autour d’elle sur la piste de danse. La question brûlante, tragique, la concernant, concernant le Maroc, qui nous concerne nous qui regardons avec un mélange d’admiration et d’effroi, étant : pourquoi l’aiment-ils ?
La scène d’introduction du film de Nabil Ayouch raconte et montre Touda performant en plein air, entourée d’hommes concupiscents, qui finissent par la violer. Un début de réponse pour ce portrait pourtant très peu édifiant, résolument ouvert dans son récit, d’une musicienne ardente, dévorée par la passion de son art, et qui pour le pratiquer doit se mettre en danger corps et âme, au mépris d’une société qui la piétine et ne peut se passer d’elle. Impossible réalité de l’art au Maroc, qui a fait des cheikhats, ces musiciennes porteuses des traditions, de la transe et de la poésie, exilées au ban de la société des femmes de mauvaise réputation, les confondant volontiers avec des prostituées.Une aberration dont Touda, descendante d’une Hadda Ouâkki qui s’est jetée dans la musique de son propre chef (même les cheikhats vétérantes la rejettent), ne veut pas entendre. Humiliée chaque jour, chaque heure de sa vie, Touda y retourne chaque jour, chaque nuit, dans le petit club de la petite ville de province où elle vit, dans les foires, les bouges et les mariages, laissant son fils, sourd-muet, à la garde de sa sœur, exhibant un sourire éclatant à la face du pire et ne laissant jamais sa voix défaillir malgré les avilissements par milliers que lui font subir ceux qui jouissent de son image et de sa musique. Battante à l’occasion, cassant les bouches qui bavent, broyant les couilles.
Un jour, elle quitte son bled pour Casablanca, ville de l’art et des étoiles, pour enfin s’épanouir. Elle y trouvera hélas une déception plus cuisante encore – une scène terrible la montre chassée de scène pour avoir osé chanter l’aïta, chant de révolte et de transgression. Everybody Loves Touda, refusant le désespoir, omet de nous dire, jusqu’à sa dernière image, si elle acceptera la défaite. Nisrin Erradi, qui joue Touda, est extraordinaire à chaque seconde du film, auquel elle apporte et a donné énormément.
Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=BnCUAoANa0Q