MARCO, L'ENIGME D'UNE VIE
dim. 15 juin
|LE COLISÉE CARCASSONNE
Drame, biopic - Espagne - 1h41 (14/05/2025) De Aitor Arregi, Jon Garaño Avec Eduard Fernández, Nathalie Poza, Chani Martín


Heure et lieu
15 juin 2025, 18:00 – 24 juin 2025, 20:00
LE COLISÉE CARCASSONNE
À propos de l'événement
HORAIRES
5 séances avec des horaires pouvant varier de quelques minutes :
Les horaires précis sont déterminés chaque semaine par le Colisée.
Dim 15/06 : 17h50 avec présentation du film par un membre de l'association - Lun 16/06 : 14h.
Jeu 19/06 : 16h - Ven 20/06 : 18h - Mar 24/06 : 20h.
SYNOPSIS
Enric Marco est le président de l’association des victimes espagnoles de l’Holocauste. À l’approche d’une commémoration, un historien conteste son passé d’ancien déporté. Marco se bat alors pour maintenir sa version alors que les preuves contre lui s’accumulent…
CRITIQUES
Les cahiers du Cinéma :
les réalisateurs ont l’intelligence de laisser s’exprimer toute l’ironie de la situation sans en rajouter, toute son opacité psychologique sans chercher à l’expliquer, et toute son ambiguïté morale sans porter de jugement.
Télérama
Février 1999, Flossenbürg, Allemagne : dans un anglais approximatif, un petit monsieur trapu à moustache trop noire pour son âge demande un « certificat officiel » de sa présence dans cet ancien camp de concentration. Il fait les yeux doux à l’archiviste, il est venu exprès de Catalogne, il en a besoin comme preuve pour l’Association des déportés espagnols. Mais il ne souvient pas de son matricule de déporté. C’est, prétend-il, qu’il n’avait pas donné son vrai nom « aux nazis ». Sur le chemin du retour, même son épouse s’étonne : « Tu es sûr que ça s’est passé comme ça ? » Cinq ans plus tard, le même témoigne avec émotion et faconde de sa déportation dans une école, et cite son numéro de déporté : 6 448…
Si le cinéma est, en soi, un art du mensonge, ce film passionne dans la catégorie, toujours fascinante, des impostures. Pendant un quart de siècle, Enric Marco, dangereusement charismatique, a porté la parole des anciens déportés espagnols, devenant même le président de l’Amicale de Mauthausen, jusqu’à ce qu’un historien pointilleux, Benito Bermejo, fasse éclater sa pitoyable mythomanie au grand jour en 2005.
Comment filmer un tel narcissique ? Après des années de réflexion, et avoir abandonné un projet de documentaire, les deux réalisateurs y parviennent, sous l’influence tutélaire du livre génial de Javier Cercas, L’Imposteur, et grâce à un sens du montage qui décortique cette énigme : pourquoi l’Espagne a voulu voir en cet opportuniste le grand témoin des horreurs nazies que des années de dictature franquiste avaient occultées. Et comment l’obscur mécanicien a construit une fiction de lui-même, poussé par le désir maladif d’être regardé.
Sous des dehors académiques, le film multiplie les séquences finement vertigineuses, porté par un interprète incroyable : Eduard Fernández, dont on connaît peu le visage en France et qui, jusqu’au moindre poil de moustache teint au cirage, compose un embobineur hallucinant et — mise en abyme forcément savoureuse —, un grand… comédien. C’est avant tout ce qu’était Enric Marco, qui se regardait dans le miroir en se rêvant acteur de l’Histoire.
Le Monde
L’imposteur est un personnage hautement cinématographique. Parce qu’il est le metteur en scène de sa propre histoire, le bâtisseur d’une fiction qui s’identifierait à son existence même, l’acteur idéal, celui qui doit adhérer, à toute heure, à un rôle que lui imposent ses mensonges – l’auteur, finalement, d’un récit dont il est le protagoniste. Marco, l’énigme d’une vie, d’Aitor Arregi et Jon Garaño, en est une éclatante preuve supplémentaire. Le film s’inspire d’une histoire authentique, celle d’Enric Marco, né en 1921 et mort en 2022.
Militant anarchiste, celui-ci fut aussi, entre 2003 et 2005, président de l’Amicale de Mauthausen regroupant les survivants espagnols des camps nazis. Il prétendait lui-même avoir été interné au camp de Flossenbürg et témoignait régulièrement de son expérience dans les écoles et autres lieux destinés à conserver et à transmettre la mémoire de la seconde guerre mondiale. Un historien rigoureux et un peu pugnace, Benito Bermejo, découvrit que l’homme était, en fait, parti volontairement en Allemagne en 1941 pour y travailler et n’avait jamais été prisonnier dans un camp de concentration comme il le prétendait. Il fut même découvert qu’il avait tenté de prendre l’identité d’un véritable déporté, authentique résistant, lui.
L’écrivain Javier Cercas avait tiré un livre de cette histoire, L’Imposteur, paru en France chez Actes Sud en 2015. En la transposant au cinéma, les réalisateurs Aito Arregi et Jon Garaño tentent de suivre fidèlement le parcours d’un personnage s’accrochant, avec de plus en plus de véhémence et de moins en moins de solidité, à la fable de son internement.
Les cinéastes ont, paraît-il, longuement hésité sur la forme que devait prendre ce récit. A l’origine, ce devait être un documentaire s’appuyant sur des heures d’entretiens avec l’intéressé. Confrontés au double jeu de celui-ci, qui avait également signé un projet similaire avec une autre production, ils décident de transformer le film en une fiction qui s’appuierait néanmoins sur le respect le plus absolu des faits.
Le mécanisme décrit par le film, qui se savoure aussi comme un thriller, est celui du dérèglement inéluctable d’un scénario idéal, la description paranoïaque d’une spirale prenant des allures de catastrophe pour le protagoniste, au fur et à mesure de la progression de soupçons qui entourent son récit. Traqué par un historien en quête des preuves introuvables d’un passé fantasmé, Enric Marco s’enfonce progressivement dans le mensonge jusqu’à ce qu’une telle attitude ne soit plus tenable, et alors même que son entourage devine progressivement, avant tout le monde, la mystification.
Marco, l’énigme d’une vie repose en grande partie sur le génie d’Eduard Fernandez, son acteur principal. Le comédien s’est littéralement glissé dans la peau du personnage réel et son talent rend lisibles, avec une certaine subtilité et aussi une trouble opacité, les causes profondes de l’affabulation et de la mythomanie. Enric Marco semble avoir été la proie d’une vanité irrésistible, flattée par la visibilité médiatique d’un sujet prétendant avoir été une victime du nazisme et par le pouvoir que lui confère son statut spécial de témoin « privilégié » de l’histoire.
Le mystificateur se signale, par ailleurs, par une grande habileté rhétorique lui permettant de convaincre facilement autrui de la réalité de quelque chose qui n’a pas eu lieu. Une habileté rhétorique dont il est particulièrement fier. Enric Marco est un cynique naïf, un individu qui s’avère, in fine, l’objet d’une fatalité intime, irrésistible, plus puissante que tout. Après la découverte de son imposture, l’individu, en se prêtant à un film documentaire sur son parcours et en tentant de faire rédiger sa biographie par l’historien même qui a débusqué la tromperie, va chercher à tirer profit de sa nouvelle identité, celle d’un menteur pathologique, caractéristique dont l’exceptionnalité ouvrirait la voie d’une paradoxale célébrité.
Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=LQhxISz6GF0